La coquille d’œuf de poule

La coquille d’œuf de poule et ses molécules antimicrobiennes

La qualité sanitaire des œufs est primordiale, que ce soit pour la filière des œufs de consommation ou celle des œufs à couver. La coquille constitue une première ligne de défense de par son rôle de barrière physique, mais elle contient également de très nombreuses protéines dont certaines ont des propriétés antimicrobiennes avérées. Leurs diversités structurales et fonctionnelles leur permettent d’assurer une défense chimique efficace vis-à-vis des agents microbiens susceptibles d’altérer la qualité sanitaire et/ou technologique des œufs.

Chez la poule, la coquille se compose de 95% de carbonate de calcium cristallisé sous forme de calcite et de 3,5% de matrice organique comportant environ 900 protéines différentes. Outre les protéines impliquées dans la minéralisation et l’établissement de la microstructure de la coquille, celle-ci contient également de nombreuses protéines et peptides antimicrobiens (PPAMs) susceptibles de contribuer à l’immunité innée de l'œuf.

L’étude parue dans la revue Frontiers in Immunology en juillet 2022* a été réalisée suite au symposium international « Innate immunity in a biomineralized context: trade-offs or synergies ? » (23-24 mars 2021) organisé par Maxwell T. HINCKE (Université d’Ottawa, Canada) et Sophie RÉHAULT-GODBERT (INRAE, UMR BOA) dans le cadre du programme LE STUDIUM (Région Centre-Val de Loire).

Dans cette étude, les données de la littérature ont été intégrées pour inventorier l’ensemble des protéines et peptides antimicrobiens (PPAMs) de la coquille de l’œuf de poule. L’analyse des caractéristiques biochimiques et structurales a permis de mieux comprendre les relations structure-activités de ces molécules et leurs éventuels rôles dans la formation de la coquille via des interactions avec la phase minérale et les glycosaminoglycanes de la coquille.

Parmi les 900 protéines de coquille, une vingtaine possèdent une activité antimicrobienne démontrée expérimentalement, dont certaines sont connues depuis longtemps comme le lysozyme. Quelques-unes de ces protéines antimicrobiennes, comme l’ovocalyxine-36 ou l’ovocléidine-17 sont très abondantes et jouent un rôle clé dans la formation des cristaux de calcite constituant la coquille.

Si les mécanismes moléculaires à la base de l’activité antibactérienne de ces molécules ne sont pas toujours connus, l’analyse de leur structure tridimensionnelle révèle qu’elles présentent une grande diversité structurale. De manière intéressante, toutes ces molécules antimicrobiennes ont en commun d’avoir un caractère cationique marqué, avec la présence d’une ou de plusieurs régions basiques à leur surface. Ces régions, chargées positivement, pourraient donc interagir avec des ligands chargés négativement à la surface des pathogènes ou avec les minéraux et les glycosaminoglycanes de la coquille.

Ces PPAMs, sécrétés par l’utérus de la poule au moment de la formation de la coquille, protègent le milieu où se déroule la biominéralisation (fluide utérin) contre les éventuelles contaminations microbiennes et participent directement, pour certains d’entre eux, au processus de minéralisation de la coquille. Après la ponte, il est possible que les molécules immobilisées dans la cuticule régulent le microbiome à la surface de la coquille. Dans les œufs fertiles, la partie interne de la coquille est progressivement solubilisée pour fournir les minéraux nécessaires à la biominéralisation du squelette de l’embryon. Ainsi, certains PPAMs peuvent se retrouver à nouveau sous une forme soluble pour renforcer la protection antimicrobienne de l’œuf au cours du développement embryonnaire. Les mécanismes exacts permettant de mobiliser les PPAMs inclus dans la structure cristalline de la coquille restent néanmoins à élucider.

 

* Thierry Moreau, Joël Gautron, Maxwell T. Hincke, Philippe Monget, Sophie Réhault-Godbert and Nicolas Guyot. Antimicrobial Proteins and Peptides in Avian Eggshell: Structural Diversity and Potential Roles in Biomineralization. Frontiers in Immunology, July 2022, https://doi.org/10.3389/fimmu.2022.946428

Article disponible sur le site INRAE : lien article

Date de modification : 01 août 2023 | Date de création : 17 mai 2023 | Rédaction : S Letourmy